« Choisir, c’est renoncer. Mais choisir la Scube, c’est faire le choix de ne pas choisir. On fait un peu de tout, on étudie un peu tout en vrac : on imprime des cours de Biologie à Sciences Po, on lit un livre de Sociologie dans les couloirs de Jussieu. Le double cursus, c’est la solution magique pour les indécis qui hésitent entre leur côté littéraire et leur côté scientifique, pour les curieux qui veulent comprendre le monde sous tous ses aspects.
Commençons par le commencement.On peut postuler par Sciences Po (concours puis entretien si on est déclaré admissible), ou par l’Université Pierre et Marie Curie (dossier puis entretien si on est déclaré admissible). Personnellement, j’ai reçu la convocation de Jussieu pour l’entretien le jour de la dernière épreuve de bac. J’ai hurlé mon soulagement. Puis : « Un entretien ? Qu’est-ce que c’est ? » C’est difficile, on n’est pas seul face à une feuille. C’est un oral pendant lequel on est face à deux personnes : un professeur de Jussieu, un professeur de Sciences Po. Si on est déclaré admissible par Jussieu : ça se passe à Jussieu. Si on est déclaré admissible par Sciences Po : ça se passe à Sciences Po. Moi, j’ai donc été admissible par Jussieu, et non par concours. Cette angoisse devant l’inconnu, oui nous l’avons vécue devant cette fac immense, ses murs colorées et l’attente, oui.
Un entretien, c’est beaucoup de questions sur toi, s’appuyant sur ta lettre de motivation, sur ton CV (activités extra scolaires, passions qui font de toi quelques d’enrichissant), sur tes bulletins (les examinateurs peuvent relever une lacune dans une matière : prépare ta défense), sur ton intérêt pour les enjeux contemporains (prépare toi à pouvoir parler sur quelques sujets d’actualité qui t’ont marqué) et sur ton avenir (essaie de te construire un projet). Si tu aimes le cinéma : ils demandent ton film préféré par exemple. Une culture immense n’est pas requise, donc pas d’inquiétude : j’en suis la preuve vivante. Certaines questions hors-sujet tombent parfois au milieu de la conversation pour observer ta réactivité : « Que lisez-vous en ce moment ? » La recette pour réussir ? Le sourire, quelque sang-froid, un peu de rapidité d’esprit, et beaucoup de motivation. Il faut montrer qu’on est déterminé, qu’on sait où on va (même si ce n’est pas le cas). Vous devez rester sur vos positions, même s’ils tentent de vous faire changer d’avis pour vérifier la solidité de vos opinions. Surtout : montrez que le seul cursus qui réponde à vos aspirations est la Scube en montrant votre intérêt pour l’association entre les Sciences « dures » et les Sciences Sociales. Je croyais voir dans les yeux de mes examinateurs des cases qu’ils cochaient mentalement (ou non) au fur et à mesure :
Est-elle spontanée ?
S’intégrera-t-elle au groupe ?
A-t-elle l’esprit d’équipe ?
Est-elle capable d’assumer une immense charge de travail et de faire des sacrifices pour ça ?
… mais peut-elle allier une vie personnelle riche à côté de ça ?
A-t-elle un projet professionnel plutôt solide ?
S’est-elle bien renseignée sur ce double cursus ? (matières…)
Est-elle motivée ou nous lâchera-t-elle en route si on la choisit ?
En résumé : est-elle faite pour la Scube ? Un conseil : essayez de répondre à un maximum de critères. Et tout ira bien. Pour ma part, je suis sortie, désespérée. Je leur ai dit tout et son contraire. Je n’ai pas su trouvé les arguments. S’ils me prennent, ils sont fous ou aveugles. Ou les deux. Je me suis revisionner la scène pendant des jours. C’était une torture sans nom. Mais je crois que ce sentiment était partagé par beaucoup, et je crois même qu’il est normal de faire de cet entretien une catastrophe interplanétaire. Puis, une semaine plus tard, le fameux mail est arrivé comme un cadeau. J’ai hurlé, encore une fois, mon bonheur, et ai commencé à prendre contact avec mes futurs camarades qui sont aujourd’hui mes amis et mes compagnons de vie. Et encore : je ne savais pas ce qui m’attendait.
Aujourd’hui, je suis en Scube. Certes, nous cumulons deux fois plus d’heures et de matières que les autres. Mais nous nous enrichissons quotidiennement. Nous débattons vivement sur le clivage droite/gauche en France, sur la définition du capital bancaire, tout comme nous discutons d’une formule Mathématiques ou de la dernière exposition du Jeu de Paume. Et parfois, parfois, nous nous endormons sur nos tables car notre exposé d’Histoire terminé à 4h du matin l’oblige (vous trouverez dans les autres articles de nombreux détails). A l’oreillette, on me hurle le mot « solidarité ». J’y viens. Etre en Scube, c’est être solidaire. C’est pouvoir poser dix questions la veille de l’examen à 23h et recevoir vingt réponses. C’est aussi savoir faire la fête et danser le rock toute la nuit. C’est appartenir à quelque chose de beau. C’est recevoir 40 messages d’anniversaire, c’est souffler des bougies dans un amphi qui n’y comprend rien. On est un peu des incompris des fois c’est vrai. Mais on n’est pas une secte. On est beaucoup mieux : on est une famille.
Pour le petit mot de la fin. Je citerai Kundera, en pensant à tous ceux qui me liront peut-être et se demanderont quelles études choisir. Je leur répondrai : « Il n’existe aucun moyen de vérifier quelle décision est la bonne car il n’existe aucune comparaison. Tout est vécu tout de suite pour la première fois sans préparation. Comme si un acteur entrait en scène sans avoir jamais répété. »
L’auteure de cet article s’excuse de son manque d’objectivité : quelque que soit le choix que vous prendrez, il sera le bon car c’est vous qui l’aurez pris. Mais malgré ça, d’après ma jeune expérience, je vous dis mes amis, que si vous voulez que votre vie soit vécue pleinement, sans regrets ni remords, si vous voulez que votre vie ne soit pas le brouillon d’existences que vous auriez pu avoir : choisissez la Scube. »
Une ancienne Scube
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